Publié le |
Vous ne connaissez pas forcément son nom, mais vous avez déjà forcément aperçu cet objet, surtout si vous côtoyez la Confrérie des Francs-Mâchons : le tastevin !
Mais d’où vient-il ? A quoi ressemble-t-il ? A quoi sert- il ?
I) L’origine du tastevin
Bon, il est vrai qu’en commençant mes recherches sur le tastevin, j’ai souri lorsque j’ai découvert, dans le dictionnaire historique de la langue française, que Monsieur Alain Rey datait de 1450 l’apparition du terme qui, à l’époque, caractérisait « un ivrogne »…
J’ai aussi découvert une légende qui racontait que les sept boules et les douze larmes qui ornent le tastevin signifient que le nectar peut se boire durant les douze mois de l’année et tous les jours de la semaine.
On racontait aussi jadis, dans les vignobles, qu’un tastevin merveilleux permettait de savoir, dès que le vin était versé, si l’année était bonne ou mauvaise. Au fond d’icelui, un médaillon figurant un pape d’Avignon, bien sûr, qui, en fonction qu’il pleurait ou riait, indiquait la qualité du vin. Mais bien sûr, toujours…
En fait, il faut revenir bien antérieurement pour comprendre l’origine de la bête.
Le tastevin est, en fait, l’antique tasse à vin du vigneron.
Dans la mythologie grecque, Hygie était la déesse de la santé, de la propreté et de l’hygiène, rien que ça. Elle était la fille d’Asclépios, dieu de la Médecine. Elle était représentée avec en main une coupe à boire, sans anse et parfois avec un pied. Cette vieille coupe servait, dans l’antiquité, pendant les fêtes religieuses et les libations.
Son usage réapparaît aux XVème et XVIème siècles, période où le tastevin est offert au baptème de l’enfant. Le XVIIIème siècle figure l’apogée de l’ustensile, avec l’habitude d’y faire graver son nom.Aujourd’hui, il n’est plus beaucoup utilisé en dégustation, à cause de la concurrence des verres INAO. Mais il reste l’emblème de l’oenologue et l’attribut de quelques confréries bachiques, comme la nôtre. Il reste aussi un objet de promotion et de communication, lié à son histoire et à sa fabrication.
A noter aussi que l’antique tastevin, la coupe d’Hygie, est, depuis 1942, le symbole de la pharmacie…
… Et qu’en 2000, pour rendre hommage aux vignerons du vallon de Marcillac, en Aveyron, a été construit le plus fabuleux tastevin du monde, qui pèse quand même 700 kilogrammes, pour un diamètre de trois mètres et une profondeur d’un mètre, soit un volume de 4500 litres environ.
II) Le tastevin : description
Le tastevin est donc un récipient en métal qui permet de mirer et de goûter le vin.
Il est souvent confectionné en argent massif, mais l’or, le métal argenté, le fer-blanc, l’inox, la faïence, l’étain, le verre, le grès ou le bois sont également utilisés.
La coupelle est prolongée par une anse où l’on glisse l’index et le tastevin est maintenu par le pouce. Trois catégories distinctes de tastevin existent :
1. Ceux qui disposent d’une anse horizontale sous forme de boucle parfois ornée d’un serpent
2. Ceux qui sont munis d’une anse étirée ou retournée, prenant l’aspect d’une bague prolongeant le tastevin.3. Ceux disposant d’une anse composée d’un anneau vertical, suppléé par un appui-pouce sur le dessus pour le maintien.
C’est la troisième solution qui a été choisie par notre confrérie pour un de ses attributs les plus fièrement arborés.
Pour le réceptacle lui-même, la coupelle dispose d’un fond bombé, son pourtour est doté de creux et de bosses, orné de larmes, de stries, de boules et de cupulettes, tous atours destinés à accentuer les reflets de la lumière.
III) Le tastevin : utilisation
Au-delà d’être un objet symbolique et ornemental, le tastevin voit sa position dans la dégustation du vin décliner.
Les verres INAO sont, en effet, beaucoup plus pratique à utiliser et offrent, des capacités plus importantes. Elles permettent notamment une analyse olfactive plus fine, car les verres permettent d’agiter le vin et d’en libérer les arômes.Mais, alors, pourquoi des maisons de vin, certains chefs restaurateurs l’utilisent-ils encore, en France et à l’international ?
Essentiellement pour mirer le vin, car le tastevin reflète beaucoup mieux la lumière et, dans les caves mal éclairées, cet outil est indispensable.
Mais le tastevin est aussi plus simple à transporter, dans la poche ou autour du cou, beaucoup plus solide.
IV) La Confrérie des Chevaliers du Tastevin
Enfin, le tastevin est défendu avec vaillance et brio par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin qui ont élevé le noble instrument au rang de Saint-Graal, point que ne pouvait pas passer sous silence un article rédigé par la Confrérie des Francs-Mâchons.
Créée en 1934 par Georges Faiveley et Camille Rodier, célèbres producteurs-négociants bourguignons, pour faire la promotion des grands vins de Bourgogne à travers le monde, elle est hébergée, depuis 1944, par le Château du Clos de Vougeot.
La confrérie anime de nombreux chapitres, mensuels ou annuels, dont le plus célèbre se déroule au moment des ventes privées des Hospices civils de Beaune. Ces événements permettent l’intronisation de nouveaux Nobles Chevaliers du Tastevin par le Grand Maître de cérémonie entouré du Conseil des Chevaliers, selon des rituels inspirés des chevaliers de la Table Ronde et de l’Ordre de la Toison d’Or des Ducs de Bourgogne. Ces preux chevaliers sont environ 12 000 à travers le monde.
Enfin, deux fois par an, la confrérie organise un tastevinage, réunit dans le grand cellier du Château un jury de 250 dégustateurs internationaux pour passer en revue environ 700 vins de 180 producteurs différents à l’aveugle. Et cette réunion du Gotha mondial du vin se fait, bien sûr, sous le patronage de la scintillante coupelle.
Gageons qu’avec tant de thuriféraires et d’efforts déployés, le tastevin a encore de beaux jours devant lui.