Les francs-mâchons

Société philanthropique pour la défense et l’encouragement de la tradition du mâchon, créée en 1964

 

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Vous avez dit confrérie ?

L’origine des confréries prête à controverse :
– certains historiens y voient une survivance de coutumes indo-européennes
– d’autres les rapprochent des collèges compitaliciens qui célébraient, à des carrefours, les compita, des fêtes annuelles en l’honneur des dieux lares, sous Servius Tullius, le sixième roi légendaire de Rome
– d’autres encore voient leur origine dans les ghildes germaniques ou anglo-saxonnes qui pratiquaient des repas en commun dès le Xème siècle.

D’où viennent donc les confréries ? Qu’en reste-t-il et quelles sont leurs missions aujourd’hui ? Voyage aux origines de la Confrérie des Francs-Mâchons.

I) Petit précis d’histoire des confréries dans le monde occidental

Les confréries sont, à l’origine, dans le monde occidental, des groupements de laïcs chrétiens fondés en vue de favoriser une entraide fraternelle ou pour animer une tradition religieuse spécifique. Ce vocable semble apparaître, dans le Moyen-Âge français, avec la Confrérie blanche, fondée par l’Evêque de Toulouse Foulques contre les Albigeois.

Les confréries se développent ensuite au XIVème et XVème siècles pour remplacer les liens de protection caractéristiques de l’époque féodale. Elles se confondent alors largement avec les confréries de métier (ci-dessous, les deux premières pages d’un manuscrit enluminé datant de 1350 concernant les statuts de la Confrérie de Saint-Côme et de Saint-Damien, celle des chirurgiens barbiers) et organisent la vie religieuse des membres d’une profession : assistance envers les membres pauvres ou malades, les vieillards, les veuves et les orphelins ; prière communautaire aux défunts… Elles n’ont pas pour vocation de promouvoir le culte chrétien, mais accomplissent une pratique religieuse plus ou moins régulière dans le but d’obtenir l’intercession du saint patron de la confrérie. Renforçant la cohésion, elles mettent parfois à disposition leurs ressources matérielles, par exemple leurs lieux de réunion.

Ces organismes ont souvent paru suspects à l’Eglise et au pouvoir laïque, tant par leur situation marginale dans la vie liturgique que par leur capacité à rassembler des gens d’un métier et à couvrir d’un prétexte religieux d’authentiques manifestations sociales. Elles furent donc souvent dissoutes.

Mais elles se reconstituent rapidement, car, au XVIIème siècle, l’Eglise et la Royauté comprennent que ces foyers d’indépendance peuvent devenir les gardiens de la religion et de l’ordre établi. En effet, réservées aux maîtres et n’étant plus soumises à l’influence des ouvriers, elles sont reconnues et protégées par les autorités. Jouant alors, dans les grandes villes industrielles et marchandes, un rôle considérable dans l’animation de la vie intellectuelle et artistique, les confréries ont été l’un des agents du mécénat bourgeois, faisant décorer leurs chapelles, offrant à l’église des œuvres d’art (retables, tableaux, vitraux, statue, orfèvrerie), organisant des fêtes.


Lors de la Révolution, les confréries sont abolies en 1791 par la loi Chapelier, car elles sont jugées trop imprégnées des usages et traditions de l’Ancien Régime.
Elles ne réapparaissent qu’au XIXème siècle, sous la Restauration, mais sans la vigueur de leurs devancières.
En 1901, la création du statut d’association permet la résurgence de quelques confréries, mais ce nouvel élan est rapidement brisé par la première guerre mondiale et n’est pas confirmé dans l’entre-deux guerres

II) Les confréries et leurs missions aujourd’hui

Aujourd’hui, en France, les confréries militaires ont disparu, à l’exception du bataillon des canonniers sédentaires de Lille qui confirme la règle.
Le sens religieux de la « confrérie » existe toujours, qu’il s’agisse d’organismes de pénitents comme l’Archiconfrérie des pénitents bleus de Nice ou des associations catholiques que sont les confréries du Rosaire.
Les confréries caritatives sont aussi représentées, la Confrérie Saint-Christophe prêchant « l’amour chrétien du prochain » avec ses plus de 18000 membres en 2011.
Parmi les confréries civiles, si les loges maçonniques sont les plus connues, les confréries de dégustation ont connu un réel essor depuis les années 1950, d’abord soutenu par l’apparition des appellations d’origine contrôlées, puis par le développement du tourisme.

Si la plupart des confréries culinaires ou de dégustation que nous connaissons aujourd’hui sont nées dans la seconde moitié du XXème siècle, elles ont toutes pour point commun de faire référence à des temps anciens, sorte de référence spirituelle ou de gage historique. L’inscription dans une démarche « médiévale » se lit jusque dans la dénomination de l’association ou celle de leurs dignitaires : on parle de « compagnons », « chevaliers », « hospitaliers » ou autres « gentilshommes ».
Les costumes et atours portés par les membres lors des défilés réguliers – que d’aucuns qualifient perfidement de folklore – sont souvent hauts en couleur, les « chapitres » tenus au moins une fois l’an sont l’occasion d’inviter les associations amies, les rituels d’intronisation font souvent appel à plusieurs parrains et marraines…



Mais le costume coloré est là pour intriguer et inciter le public à s’intéresser au produit ou à la tradition, au terroir que la confrérie représente. Aujourd’hui, le produit est le lien qui unit des confrères dans un cérémonial en tenue d’apparat pour faire sa promotion générique en vue d’un développement économique. L’association oeuvre pour le faire connaître et reconnaître pour ses qualités gastronomiques.

La confrérie des Francs-Mâchons s’inscrit dans cette grande mouvance associative. Elle en partage les codes, avec le tablier brodé, le tastevin et la serviette pour tenue d’apparat, une Assemblée générale annuelle pour introniser ses nouveaux membres et une remise des diplômes pour fêter ses restaurateurs. Malgré ses accointances avec les différents nectars produits dans le Beaujolais, elle n’est pas une confrérie bachique qui, son nom dérivant du dieu du vin Bacchus, va défendre les articles viticoles. Elle n’est pas à proprement parler une confrérie gastronomique qui, telles la confrérie de la tête de veau ou celle de la fraise de Carpentras, va représenter un produit du terroir bien spécifique. Elle est plutôt une confrérie de gastronomes attachés à mettre sur un piédestal le mâchon, le casse-croûte matinal lyonnais et les restaurateurs qui l’animent au quotidien.