Mâchon, bouchon, quésaco ?
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Combien de fois, lors de discussions entre amis ou de dîners en ville, on a pu entendre l’un des convives, se remémorant le souvenir d’agapes endiablées, s’exclamer : » j’ai mangé, l’autre jour, dans un mâchon ! Qu’est que c’était bien ! »
Mais le mâchon est-il l’établissement qui accueille les festivités ? Est-il le repas convivial lui-même ? Comment se déroule-t-il ? A quelle heure ? Et le bouchon là-dedans ? Retour sur quelques définitions.
I Le mâchon
Alors que certains dictionnaires grand public, sur internet, mélangent gaiement les termes désignant l’établissement et le repas, le Littré de la Grand’Côte définit, lui, le mâchon, qui viendrait du terme mâcher, comme un « bon repas », une « forte noce ».
Et Frédéric Dard, l’épique auteur lyonnais de San-Antonio, de renchérir sur un instant qui est celui « du plat cuisiné, du vin fruité, de l’amitié que nulle fatigue n’affaiblit ».
Historiquement, le mâchon s’est développé à partir des années 1850, même si la pratique du casse-croûte existait auparavant, sous la forme du goutillon ou du chicaison qui, selon Bruno Benoît dans son dictionnaire historique de Lyon, permettait de « rompre la monotonie de la journée ».
Il consistait à partager un repas avec les restes réchauffés de la veille : surtout la cuisine lyonnaise dans son acception la plus large, cochonnailles chaudes ou froides, saladiers, andouillette, tablier de sapeur… Mais cela pouvait aussi être, exceptionnellement, un repas de chasse offert par les négociants.
Le mâchon permettait donc d’éviter de jeter le déjeuner ou le dîner de la veille. Il réunissait également ouvriers et négociants, était l’occasion, pour certains canuts, de négocier commandes ou tarifs.
Aujourd’hui, il perdure encore sous la forme d’un accueil autour de pots de vins blancs accompagnés de grattons et de victuailles destinées à ouvrir l’appétit. Puis un plat roboratif, partagé dans la bonne humeur et un fromage, blanc ou sec, sont arrosés de pots de vin rouges du Beaujolais voisin. Enfin, un bon café, parfois agrémenté de digestifs divers et variés, permet de départager les convives aux langues déliées.
Sur la question de l’horaire, les débats font rage entre les experts patentés et, si la tradition veut qu’il se déroule vers 9 heures, le dictionnaire historique de Lyon souligne que l’on peut aussi « mâchonner vers cinq heures du soir ». J’espère que les tenants de l’orthodoxie ne m’en tiendront pas rigueur…
Et le mâchon se tenait effectivement souvent dans des bouchons, terme qui désigne donc l’établissement réceptacle de ces agapes.
II Le bouchon
Mais alors pourquoi bouchon ?
Certains affirment que l’appellation « bouchon » viendrait du fait qu’on y « bouchonnait » les chevaux, qu’on frottait la monture des clients avec un bouchon de paille pour la nettoyer.
Mais elle viendrait peut-être davantage de l’habitude qu’avaient les cabaretiers de signaler leur boutique en accrochant une botte de rameaux ou de branchages à leur porte. Ainsi le Littré de la Grand’Côte présente le bouchon comme « des branches de pin, formant autant que possible la boule, et qu’on suspend, en guise d’enseigne, à la porte des cabarets. Dans l’antiquité, le pin était consacré à Bacchus. Il n’est pas téméraire de penser que le bouchon rappelle cette tradition. »